Il fait gris, il pleut. Nous sommes au BXL Tour ! Comme l’année dernière, la course urbaine fait honneur à la réputation pluvieuse de la capitale européenne. Retour sur une classique aux conditions dantesques qui a fait glisser plusieurs coureurs dans les classements.
*Un regard porté cette fois-ci principalement sur les pelotons masculins, se trouvant à l’avant avec les reporters du jour.
Bis repetita
Pour la deuxième fois dans l’histoire BCF (après La Magerotte ’22), le verglas d’été est venu jouer les troubles fêtes sur la route des classiques. Un phénomène météorologique unique. Mais de quoi s’agit-il ? Lorsqu’une pluie abondante fait suite à une période de sécheresse marquée, les poussières et déchets naturels refont surface, formant un torrent invisible mais extrêmement glissant. Les premières gouttes étant tombées juste au moment du grand départ, les conditions étaient donc idéales pour l’apparition d’une nouvelle patinoire !
Pour la deuxième fois dans l’histoire BCF, un chrono caniculaire laisse la place à un BXL Tour torrentiel. Une instabilité climatique qui fait des dégâts partout sur la planète, mais également au sein du peloton. Pour passer entre le gouttes et éviter la chute, il fallait avoir les reins solides et des réflexes alertes, mais surtout un brin de chance.
« Chute à l’avant ! »
Le peloton fait les frais de ces conditions dantesques dès les premiers kilomètres avec une chute groupée dans le tunnel de la rue Belliard. Tandis que le parcours vire à droite, un coureur dérape et emporte dans sa chute plusieurs formations. Le train BCF est déjà coupé en deux alors que plusieurs cadors se retrouvent piégés. C’est le premier tournant de la course, au sens propre comme au figuré. Les distancés ne reverront plus le peloton de tête (Gambardella, De Bortoli,…).
Des chutes sont ensuite référencées presqu’à chaque virage du parcours. Il suffit qu’un coureur ne glisse pour qu’une série d’autres s’empilent sur le domino. De véritables valpartij, comme le résument très bien nos confrères au Nord du pays.
Course de placement
Selon certains observateurs, le BXL Tour est le Milan-San Remo de la saison BCF. Comme sur la Primavera, il s’agit d’une course d’attente et de placement. Le plus important étant de rester aux avant-postes d’un peloton nerveux afin de ne pas se trouver piéger par les chutes ou les accordéons lors des multiples relances.
Dans un tel contexte, inutile de produire une attaque afin le final. Un finish en deux temps qu’on peut à nouveau comparer avec les derniers kilomètres de la course italienne. La montée de la Tour japonaise étant la Cipresa et la bosse de l’Atomium le Poggio. Si une attaque dans la montée de la Tour japonaise a peu de chance d’aboutir, il est néanmoins crucial d’arriver bien placé à son sommet. Car la descente qui suit est déterminante afin d’aborder l’ascension du Poggio bruxellois aux avant-postes. À son pied, les coureurs au-delà de la 20e position dans le virage à 180 degrés n’ont déjà quasiment plus aucune chance de l’emporter !
Bien placé et avec de bonnes jambes dans la dernière ascension, un groupe de puncheurs peut donc s’échapper et se disputer la victoire. Mais si les équipes de sprinteurs dirigent le peloton au moment d’aborder le fameux virage, elles pourraient cadenasser la course afin de favoriser une arrivée au sprint.
Stratego
À ce petit jeu, chaque formation tente de placer ses pions et d’imposer sa stratégie sur l’échiquier bruxellois. Bien décidés à ne pas laisser les sprinteurs contrôler les débats, les puncheurs prennent les commandes du peloton dès la traversée du bois de la Cambre. C’est ainsi qu’on retrouve régulièrement les maillots à pois de la fédération aux avant-postes (Van Elmbt – SMIP-Café Bastoche et Decoene – Giklets by Rodania). Un véritable pied de nez à tous les rouleurs qui espéraient trouver sur les boulevards de la capitale un terrain plus adapté à leur talent.
Malchanceuse depuis le début de saison, la Camber-Krefël des frères Spoel jouait gros sur ce BXL Tour. En l’absence de purs sprinteurs, la CK misait à nouveau sur le trio Spoel-Spoel-Coppée pour mettre le feu aux poudres dès l’ascension de la bosse de l’Atomium. Une stratégie offensive qui fera des dégâts. Mais surtout au sein de leur propre équipe. Idéalement placé à l’avant du peloton sur les pavés qui précédent la bosse, Guillaume Spoel glisse et emportent avec lui plusieurs cadors. Heureusement pour les blancs et jaunes, le jeune prodige Oscar Coppée évite miraculeusement la chute de son leader et reste au contact des meilleurs jusqu’au au sommet de l’ascension. Mais à l’approche du sprint final, la nervosité est grande. Coppée glisse à son tour dans l’avant-dernier virage.
Une ultime valpartij qui met définitivement un terme aux espoirs de nombreux candidats à la victoire. À terre ou dans les barrières, on retrouve notamment Hendrix (Fahrbar), Jardon (Renowindow) et Jean-Sebastien Soenen (Novicebar). Toujours bien placé, le maillot noir continental fait les frais de cette chute à l’avant du peloton. Il perd 8 minutes et est relégué hors des points. Au sein de l’armada K7, les dégâts sont aussi très importants. Événement rarissime, le maillot bleu Asselberghs est au sol. Tout comme Junqué (top 13 au Tour des Vosges). Mais c’est la chute du nouveau sprinteur maison, Esteban Swinnen, qui renverse totalement la stratégie. Car secrètement, la K7 misait sur une arrivée au sprint dans le but d’offrir sa première victoire sur le circuit à Swinnen.
Final atomique
Avec une arrivée au pied de l’Atomium, on pouvait s’attendre à un sprint final explosif parmi les rescapés du peloton des favoris. Remis des émotions de la dernière chute collective, 5 coureurs se détachent de quelques mètres avant d’aborder le dernier virage. Mais à la surprise générale, ce sont deux coureurs continentaux qui coiffent la victoire générale aux formations Pro Tour. Très explosif, Simon Decoene (Giklets Rodania) jump chacun de ses concurrent et franchit la ligne en premier. Il est suivi 2 secondes plus tard par Theo Semal (Betafence), Robin Stenuit (Muscle Killers), Arthur Brasseur (Fringale Quick-Stop) et Jérémy Chevalier (K7). Pour le plus grand plaisir des spectateurs neutres, les podiums Continental et Pro Tour sont donc totalement insolites. Alors que Giklets by Rodania et Muscle Killers inscrivent pour la première fois leur nom au palmarès des classiques BCF. Historique.
Chez les femmes, les favorites ne sont pas loupées. Contrairement aux pelotons masculins, on retrouve trois habituées sur les marches de l’Atomium. Morgane de Halleux réalise le doublé après sa victoire l’année dernière. Elles est suivi par Lucarain (Team Beryl) et Van Belleghem (8L). Mais l’ordre établi par ces trois championnes est de plus en plus menacé par l’arrivée de nouvelles cracks, comme les deux coureuses de la Flamme qui complète le top 5: Margaux Guyot et Camille Decock.
We star together, we finish together
Si toutes les formations n’ont pas pu mener à bien leur stratégies et finir ensemble jusqu’au bout, d’autres profitent du BXL Tour pour réaliser une superbe performance collective et récolter les points bleus bonus du classement par équipe.
Chez les femmes, la Cavale réalise le meilleur résultat collectif. Si l’équipe ne place pas de coureuses dans le top 10, elle est la plus soudée et la plus régulière du peloton avec un effectif complet au départ (10). Au classement par équipe (temps des 5 premières de l’équipe), elles devancent La Flamme et EF – Women sur le podium.
En Continental, c’est un premier succès pour les néophytes de Teals Cycling. Bien emmenée par De Knoop, Vandermeersch et Van Drooghenbrouck, la TCT devance les Giklets et Magic-Lucien.
En Men Pro Tour, la Fringale QuickStop est la belle surprise du jour. Passé à une demi-roue de la victoire, le leader Arthur Brasseur peut se consoler avec ce premier trophée collectif. Un véritable tour de force puisque la formation place deux autres coureurs dans le top 10 (Thuy et Bouillot). Derrière, la K7 sauve les meubles en se relevant rapidement après la dernière chute. Ils sont deuxième et devancent Epilation First – Bon Secours, qui place également deux coureurs dans le top 10 (Borcy 5e et Thiry 9e).
Chaise musicale
Avec un podium insolite, autant de chutes et quelques surprises, les classements de la saison sont chamboulés. Au sein des trois pelotons, deux maillots bleus et trois maillots noirs changent d’épaule !
Dominateur depuis le début de saison, l’équipe Jumbro’ Vismousse loupe le coche sur le BXL Tour. Victime d’une chute dans le virage du pont van Praet, Victor Hannaert tente de limiter la casse pour sauver son maillot bleu. Mais avec un peloton qui déboule à vive allure, il n’est pas en mesure de récupérer sa monture (et son téléphone) avant le passage des derniers coureurs. Esseulé, il peut malgré tout compter sur la collaboration de Jordy Verzuu. Fairplay, le coureur de la Redoutable – DH fait le job et tire le maillot bleu sur toute la chaussée de Laeken. Malheureusement pour Hannaert, cela ne suffira pas. Il finit 35e et perd le maillot au profit du vainqueur Simon Decoene. Impressionnant 4e en Continental, Sebastien Boils (Magic-Lucien) fait un retour tonitruant au sommet des classements et chipe le maillot noir au malheureux Soenen (Novicebar), victime de la chute dans l’avant-dernier virage.
Côté féminin, de Halleux augmente logiquement son avance en bleu après ce doublé historique. Ses plus proches concurrentes ne lui concèdent toutefois pas trop de terrain. Malgré un accrochage dans les barrières, Van Belleghem (8L) finit 3e. Lucarain (Team Beryl) et Guyot (La Flamme) terminent respectivement au 2e et 4e place. Mais c’est à nouveau la formation Cavale qui crée la surprise au sein du peloton. Grâce à la solide performance collective, Nathalie de Valensart s’installe confortablement en tête du classement du maillot noir !
Chez les pro, c’est le coup de tonnerre. Au sol, Asselberghs perd son maillot. Dauphin au classement avant le départ, Quentin Borcy (EF) ne manque pas l’opportunité de doubler Paul le Poulpe en finissant 5e. Quatrième du BXL Tour, Kies (Bicykets) réalise l’autre bonne opération et fait un bon de deux places pour monter sur le podium de la saison. Finalement en l’absence de Colson (SMIP), Carette (DFF) avait une opportunité en or de récupérer cette tunique noire qui lui est si chère. À condition d’éviter les chutes. C’est mission accomplie, avec un joli top 15 à l’arrivée. Un maillot qu’il faudra désormais disputer en compagnie d’autres coureurs qui se replacent dans la bataille, comme les SUBSTRA Carrera et Verstraeten (10e et 12e à l’arrivée).
Tomber, se relever
Difficile d’élire les coureurs et coureuses les plus courageux parmi les malheureux gladiateurs qui ont terminé au sol. Pour départager les super combatifs du BXL Tour, les commissaires ont donc décidé d’élargir le spectre en considérant à la fois d’autres facteurs.
Après la crevaison d’un de ses leaders à la mi-course, Clément Thomas (Novicebar) n’hésite pas une seconde et s’arrête sur le bas-côté pour lui offrir son vélo. Un geste de sacrifice exemplaire, au service de l’équipe et des copains. Même si les mauvaises langues diront qu’il était juste complètement cramé et qu’il venait de trouver là l’opportunité de se retirer de toutes les difficultés au programme de sa journée. Mais pour taire les détracteurs, Président restera combatif jusqu’au bout. Comme à son habitude, il clôture le bar du BXL Tour en compagnie d’une autre légende. Mister Eddy en personne.
En Women Pro Tour, les commissaires ont été bluffés par l’esprit d’équipe qui rayonne autour des deux formations Casual Cycling. Après avoir laissé partir les leadeuses à l’avant, l’ensemble des deux équipes s’est réuni en queue de peloton pour former un train ininterrompu et se protéger mutuellement des éléments. Fondatrice du mouvement féminin Casual Cycling, Alisson Abrahams mérite le titre de combatif du BXL Tour pour ses exploits sur le vélo et l’ensemble de ses efforts pour le développement du cyclisme féminin dans la capitale européenne.
Au rayon des Pro Tour, le choix du jury se porte sur un coureur qui n’a plus fait d’émulations aux classements des classiques depuis sa deuxième place à Bonneville-Bonneville en 2019. Trop souvent dans l’ombre de ses leaders, il se présente pourtant seul au départ du BXL Tour. Démotivés par la météo, les équipiers se défilent un par un. Il faut dire que la formation revenait la veille d’un stage en altitude dantesque où les coureurs accumulent par moins de 850km et … 20000m de D+ en 5 jours sur la selle. Mais malgré le mal de dos, les jambes lourdes et des gerçures terribles, Edouard Jacquin se présente seul pour représenter la Grolla au BXL Tour. Pour son panache, sa semaine de fou et l’ensemble de sa carrière, il mérite le titre de super combatif.
Aah, qu’est-ce qu’on est serré !
Au terme des deux épreuves du mois de juin, tous les classements de la saison se sont donc sérieusement rapprochés. De mémoire de chroniqueur de Bonneville Wielrennen Magazine, il s’agit de la saison la plus indécise depuis les débuts de la fédération. De quoi présager une deuxième partie d’exercice tout aussi haletante que la première. Les prochains défis estivaux devraient d’ailleurs déjà nous apporter leur lot de surprises. Les maillots bleus pourraient en effet à nouveau changer d’épaule lors du défi Côte-à-Côte x Resist & Ride, le weekend du 15 juillet.